« Pensée du dimanche :
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Ça fait une couple de jours que je lis des commentaires sur le gala des Olivier. De Sophie Durocher à Michel Barrette, en passant par Dany Turcotte, tout le monde semble du même avis: «les jeunes humoristes méprisent les vieux». C'est vrai qu'en regardant le gala, on pouvait se dire ça. Surtout si on faisait de l'humour dans les années '90.
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J'aimerais te raconter une tranche de vie par rapport à ce débat. J'pense que ça peut être intéressant.
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En partant, j'faisais pas d'humour en '90. Mais j'en regardais beaucoup. Et j'avais énormément de respect et d'admiration pour les humoristes de cette époque. D'ailleurs c'est en grande partie grâce à eux que j'fais ce métier-là aujourd'hui. Merci «les vieux!»
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J'suis sorti de l'école de l'humour en 2007. Tout de suite après, comme des dizaines d'autres jeunes humoristes, je passais des mois à roder des numéros dans les soirées d'humour, dans le but d'avoir le meilleur «8 minutes» possible.
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Pourquoi? Pour «les auditions». À chaque printemps, Juste Pour Rire tenait des soirées d'auditions, où des humoristes de «la relève» (c'est-à-dire pas connus, même s'ils/elles roulent depuis 20 ans) pouvaient espérer avoir une place en gala. À cette époque, les galas étaient d'une importance capitale. Et ça jouait serré pour les places! Petit résumé du processus :
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1. T'envoies ton numéro à Juste Pour Rire.
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2. Si tu es choisi, tu vas à la première ronde d'audition, à Montréal.
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3. Si tu scores solide à Mtl, tu vas peut-être à la 2e ronde d'audition, à Laval.
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4. Si tu scores solide à Laval, tu vas peut-être sur un gala.
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5. Si tu scores solide sur le gala, tu vas peut-être pas être coupé dans le montage télé.
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J'ai fait ce processus pendant sept ans, en étant refusé à chaque année. En 2014, j'ai finalement eu mon premier spot en gala. Évidemment, j'étais celui qui ouvrait le gala. M'en foutais. J'étais juste hyper content d'être là!
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Le grand soir arrive. Je me rends à la place des arts. J'entre par «l'entrée des artistes» J'me rappelle que juste ça, ça m'avait donné des frissons! J'entre dans les loges, je côtoie des humoristes qui sont pour moi des monuments! Je suis nerveux. Pourtant, j'ai dû faire mon texte cent fois devant public. Et je l'ai répété toute la journée dans mon salon avec un rouleau de scott towell en guise de micro. Tsé quand t'es glamour!
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Arrive l'heure du gala. On entend le public entrer. C'est bondé. Trois étages de monde. 3000 personnes qui jasent en s'installant. Des caméras télé. Des journalistes. Des politiciens. La grosse patente, quoi! Les humoristes commencent à être dans leurs têtes. On sent la nervosité monter, même chez les monuments. Et moi, oublie ça! J'ai des tics de bouche de poudré et les mains moites comme des vieux dumplings mous.
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Les animateurs commencent leur numéro d'intro. On m'appelle pour que j'aille en coulisse. Une technicienne de scène m'indique le chemin. Je la suis silencieusement. Mon coeur bat jusque dans mes tempes. J'essaye de me grounder en me disant: «Let's go Mat! Après toutes ces années, t'as enfin ton spot!! Time to shine man!»
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Arrive la fin du numéro d'intro. Les animateurs me présentent, en lisant un prompteur: «Le prochain invité, heeee... Heee c'est un gars qui roule beaucoup dans les bars. Ce soir, il vient se planter devant vous. Mesdames et messieurs: Mathieu Cyr!!»
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Oui. T'as bien lu.
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Après sept années d'attente et de travail acharné, on m'a présenté comme ça.
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Te dire comment j'ai senti que «les vieux» me retournaient tout le respect et l'admiration que j'avais pour eux Ma-lade!
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J'suis monté sur scène et la première chose que j'ai dit c'est «Wow. Merci pour cette présentation de feu les gars!» Ça a ri. Et ma nervosité est tombée d'une shot. Au moins leur intro de marde aura eu le mérite de faire ça.
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J'sais bien que c'est un cas isolé. J'sais bien que c'est loin d'être tous «les vieux» qui sont, ou ont été comme ça. J'sais bien qu'il y a plein «de vieux» humoristes qui laissent beaucoup de place aux nouveaux talents. Mais si d'autres jeunes humoristes ont vécu le même type d'expérience que moi ce soir-là, j'peux pas les blâmer si, dix ans plus tard, ils n'ont pas le réflexe aiguisé d'inviter «des vieux» sur leur gala.
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Tout ça pour dire que peu importe ton domaine, ton âge ou ton expérience, j'pense que c'est important de respecter les «p'tits nouveaux» et les «p'tites nouvelles» qui arrivent. Par gentillesse, par humanité, et aussi parce que le jour où ces personnes auront le haut du pavé, tu vas être bien content qu'elles te rendent ce respect-là. »
